10 ans. Ce n’est pas le nombre d’années où je me bats, mais bien l’âge où tout a commencé.
Ce que je voulais plus que tout, c’était courir, faire de l’athlétisme, courir assez vite pour pouvoir m’envoler.
Un certificat médical était nécessaire pour pouvoir pratiquer ce sport et rentrer dans une équipe.
Je vais chez le médecin, avec ma mère et mon frère (qui lui voulait faire du rugby) : pour mon frère aucun problème, notre médecin traitant pouvait lui fournir ce bout de papier qui valide ce qu’il rêvait de faire.
Mais pour moi ? Eh bien non. Notre médecin traitant entendait que quelque chose clochait au niveau de mon cœur quand elle écoutait au stéthoscope. Elle a suggéré à ma mère de m’emmener voir un cardiologue, et seulement après cela, elle ferait ce certificat si elle le pouvait.
Le rendez-vous est pris, et c’est mon Papi qui m’emmène à ce rendez-vous, je me rappelle qu’il faisait sombre dans cette salle. Je suis allongée. Le cardiologue commence à faire l’échographie, à peine a-t-il commencé qu’il arrête et dit à mon Papi « votre petite fille est une miraculée, elle ne devrait plus être là » et me demande « As-tu déjà fais des malaises ? Es-tu essoufflée ? », j’ai 10 ans, je ne me rends pas compte, j’ai toujours ressenti ce que j’ai ressenti à l’effort, rien d’anormal pour moi. Alors non, je ne sais pas.
Le verdict tombe, j’ai une bicuspidie aortique congénitale.
Je me fais opérer à cœur ouvert assez rapidement, à l’Hôpital Haut-Lévêque dans le 33, je me rappelle qu’à la veille de l’opération, ma mère avait dormi avec moi, je lui ai dit que je voulais regarder la télé encore un peu parce que « demain je dormirais toute la journée de toute façon », ce sont mes mots.
Je suis partie au bloc le lendemain matin toute souriante, je n’avais pas peur.
Je me réveille, et la seule chose que je voulais c’était voir ma cicatrice. Mais elle était cachée par un pansement énorme. Le temps était long en soins intensifs. Quelques jours quand même. Je suis ensuite remontée en chambre, mais j’étais encore alitée. L’ennui était bien présent, je ne faisais rien, je voyais peu mes parents, pas tous les jours en tout cas. Je n’avais pas d’appel de leur part non plus, ils travaillaient, puis ils devaient s’occuper de mon frère et ma sœur, et ils avaient 1 h 30 de route pour venir… Je devais les voir 3 fois par semaine je dirais : très peu pour une enfant de 10 ans. J’en venais même à décoller une ou deux électrodes pour que l’appareil sonne et que je vois, ne serait-ce que 10 secondes, une aide-soignante ou une infirmière qui vienne recoller les électrodes que j’avais décollées volontairement. (J’en rigole aujourd’hui).
Puis quand je n’ai plus été alitée, je pouvais participer aux activités de création avec les « blouses roses », j’aimais quand elles étaient là, le temps n’était plus long, mais trop rapide du coup.
Le jour de sortie arrive, le 18 décembre. Il y avait un spectacle ce jour-là pour fêter Noël, dans la chapelle de l’hôpital, et j’ai pu voir le Père Noël. J’ai pu partir après le spectacle et manger une bonne pizza à la maison avec mes parents, mon frère et ma sœur.
Pour mes 11 ans, je subis un premier cathétérisme cardiaque, pour regarder à la caméra ce qui clochait. J’avais de si grosses douleurs au cœur.
Pour mes 12 ans, deuxième opération à cœur ouvert, où je suis d’ailleurs partie beaucoup moins souriante que la première, et terrifiée. Intervention de Ross pour une insuffisance aortique sévère. Opération, qui elle non plus ne m’a pas sauvée. Et une hospitalisation qui était tout aussi longue que la première pour moi, en pleine vacances d’été cette fois.
S’en suit quatre cathétérismes cardiaques assez rapprochés jusqu’à mes 15 ans. Le dernier a été la pose d’une valve Mélody. Les cathétérismes, c’était cool, je restais peu à l’hôpital, et je m’étais promis que je ne subirais plus jamais d’opération à cœur ouvert, j’avais gardé la trace de cette opération qui m’avait donné une cicatrice chéloïde, sur laquelle j’ai dû faire des injections et du laser pour qu’elle s’aplatisse et blanchisse. Mais j’aimais cette cicatrice.
Pour mes 18 ans, dernière année de lycée en Bac Pro Gestion Administration, j’ai pu ENFIN, reprendre le sport. Ma prof d’EPS a été la plus douce des accompagnantes dans ce processus qui était très important pour moi. Elle m’a permis de me trouver des limites à ne pas franchir, j’ai découvert ce qu’était une pointe de côté. 8 ans sans faire de sport, mais 8 ans où j’étais présente à tous les cours de sport sans jamais pouvoir en faire, où j’étais toujours présente pour regarder et rêver grand. Je me suis inscrite à la salle après le lycée, j’ai travaillé dans des campings en saison, dans les vignes, pour le travail au vert ou les vendanges, je me surpassais et j’étais fière.
En 2022, j’emménage dans le 37, donc nouveau médecin traitant. Cela n’a pas été simple de quitter mon ancien médecin traitant qui m’a suivie depuis le début, qui connaissait tout de mon cœur et de moi. Mais j’ai su trouver un médecin traitant aussi douce et disponible ici.
En mai 2024, je rencontre ma nouvelle cardiologue, au CHRU de Trousseau, petite échographie de contrôle, je lui explique que j’aimerais malgré tout garder un suivi à Haut-L’Evêque, un an sur deux peut- être. Tout va bien pour ma valve Mélody, qui avait 12 ans, bien que sa durée de vie était prévue de 8 à 10 ans, possibilité de faire du valve in valve via cathétérisme quand il sera le moment de le faire. Je suis donc contente.
Juillet 2024, je me réveille avec 39,5 de fièvre, avec juste un petit mal de gorge. Je mets ça sur le compte du festival où j’avais été le week-end précédent, peut-être le covid ?
Je prends tout de même rendez-vous chez mon médecin traitant qui avait des créneaux d’urgence, j’y vais donc pour 8 h 30/45, j’avais plus de fièvre puisque j’avais pris un Doliprane, mais je transpirais à torrent.
Elle me prescrit une prise de sang et test Covid, grippe. Les résultats tombent, je n’ai pas le covid, je n’ai rien, juste une CRP élevée, et un peu anémiée en fer, hémoglobine basse. Je retourne la voir, elle me prescrit un antibiotique pensant à un petit virus. S’en suit 3 semaines, où j’ai de la température tous les jours en fin d’après-midi, ça ne dépassait jamais 38°, mais je toussais sans cesse, c’était une toux que je ne connaissais pas. Je finis par devoir reprendre le travail malgré cette petite température constante. La veille de ma reprise, ma température remonte à 38°5, je connais mon corps et je sais que quelque chose cloche.
Je retourne chez mon médecin le lendemain. Elle trouve mon cas étrange et incompréhensible, elle décide d’appeler les urgences cardiologiques, elle leur décrit mon état de santé, ils lui disent qu’ils la rappelleront pour l’informer de la marche à suivre après en avoir discuté entre eux.
Je rentre chez moi, elle m’appelle, et me dit qu’ils m’appelleront pour me fixer un rendez-vous pour cette semaine pour une échographie.
Ils m’appellent le lendemain, me fixent un premier rendez-vous le mercredi qui suit. Ils me rappellent plus tard dans la journée, pour déplacer le rendez-vous au jeudi suivant, j’accepte. Ironie du sort ? Le même jour j’ai une IRM de prévue depuis 3 mois pour checker mon cœur, je me dis que tout s’emboîte un peu trop bien à mon goût.
Arrive ce jeudi, je commence par l’IRM, et je vais ensuite à l’échographie, accompagnée de ma compagne.
J’explique mon cas au cardiologue avant qu’il ne commence l’échographie. Une fois commencée, il me dit « Vous avez bien fait de venir, il y a une bactérie sur votre valve, vous allez rester avec nous si vous voulez bien. » J’ai fait un pouce levé à ma compagne et dit « Est ce que j’ai le choix ? » Ce à quoi il m’a répondu « Pas vraiment ». Je ne savais pas vraiment ce que ça représentait « une bactérie sur ma valve », je savais juste que c’était assez grave pour que je sois en soins intensifs, alitée, à l’hôpital, sous perfusion. J’ai pleuré à l’idée d’être alitée, ça me ramenait beaucoup à mon enfance. Une aide-soignante est entrée et m’a vue pleurer. J’ai pu lui raconter, elle est allée voir le médecin pour lui en parler, il finit par m’autoriser à au moins me lever pour aller aux toilettes, c’était peu, mais c’était suffisant pour sécher mes larmes et me détendre.
Le lendemain le verdict tombe, une endocardite infectieuse, due à un streptocoque, la voie d’entrée ? Certainement la bouche, due à mon appareil dentaire qui m’a créé des lésions dans la bouche.
S’en suit une hospitalisation de 10 jours, la pose d’un Midline (cathéter), des échographies… Le dernier jour arrive, deuxième échographie de sortie demandée par ma cardiologue qui était malheureusement en vacances pendant mon séjour et qui revenait le même jour que ma sortie. Elle ne voulait pas trop que je sorte après l’échographie qu’elle m’a fait… ça m’a un peu apeurée de savoir que je resterais encore.
Mais finalement j’ai pu sortir, avec une échographie prévue chaque vendredi pendant 3 semaines, une infirmière matin et soir à la maison pour mon antibiotique en intraveineuse, et sans opération en vue !
Le vendredi arrive, ma première échographie depuis mon hospitalisation. Je dis à ma cardiologue que je me sens beaucoup plus essoufflée qu’avant. Elle commence l’échographie et m’explique qu’un bout de l’infection est partie dans le poumon... et m’annonce que je vais devoir me faire opérer, ce à quoi je réponds : « en cathétérisme cardiaque hein ? ». Evidemment, trop beau pour être vrai. C’était à cœur ouvert… le drame. J’ai beaucoup rigolé suite à cette nouvelle. Je ne sais pas pourquoi. Mais l’adrénaline est montée et je savais que je n’avais pas le choix, de toute façon.
Le vendredi suivant, deuxième échographie prévue, avec scanner, et consultation avec l’anesthésiste (je n’avais pas compris pour quelle raison il fallait que je le vois). J’apprends en arrivant que je devrais rester le week-end car le lundi j’ai une échographie trans-œsophagienne. D’ailleurs, les soignantes ne m’ont pas trop rassurée à ce sujet, en me disant que ce n’est pas une partie de plaisir et que ce n’est pas agréable, ce qui m’a mis un coup de pression quand même. Je pars ensuite à mon échographie, où ma cardiologue me dit que c’est elle qui a demandé à ce que je vois l’anesthésiste car elle souhaitait me faire une échographie trans-œsophagienne sous anesthésie générale en m’expliquant que c’est parce qu’elle veut bien prendre le temps de regarder et qu’elle sait que ce n’est pas agréable. S’en suit mon scanner et mon rendez-vous avec l’anesthésiste, qui m’explique qu’on se verrait lundi pour l’échographie et mercredi pour l’opération à cœur ouvert. J’ai répondu « comment ça mercredi ? Ça doit être une erreur, mercredi je rencontre le chirurgien », ce à quoi il a répondu « bah écoutez, il y a deux opérations qui ont été repoussées pour pouvoir vous opérer en urgence mercredi, c’est booké sur mon planning ». Je gardais quand même l’espoir que c’était une erreur, jusqu’à que je retourne dans ma chambre et qu’on me donne la convocation. J’étais un peu en état de stress, je n’avais pas envie, vraiment pas.
Ce qu’il faut savoir, c’est que j’ai négocié toute la journée pour pouvoir au moins rentrer chez moi le week-end et profiter de ma compagne et de ma vie. Ils ont fini par me donner une permission, j’étais plutôt heureuse pour ça.
Le week-end, je vais au cinéma, au restaurant, je passe du temps avec ma compagne et ma belle-famille, et je pleure, beaucoup, beaucoup trop.
Lundi arrive, je vais à l’hôpital, en larmes, évidement. On me fait mon échographie, j’ai plutôt bien rigolé avec les anesthésistes et infirmiers anesthésistes, ça m’a permis de me détendre un peu.
Mercredi arrive, jour de l’opération. Le plus beau a été que j’avais le droit à 400 ml de jus de pomme, INCROYABLE, mais avant de le boire il fallait que j’aille prendre ma douche, où j’ai pleuré d’ailleurs. Et c’est en sortant que j’ai pu boire mon jus de pomme et prendre un traitement pour me détendre... J’ai ensuite appelé ma compagne, avant de partir pour le bloc.
Après mon opération, j’ai rencontré une équipe de soignants absolument exceptionnelle, tout comme celle de ma première hospitalisation et ça m’a donné énormément de baume au cœur.
On a appris cependant, que ma bactérie faisait une résistance à mon antibiotique. Ils ont donc dû trouver un nouvel antibiotique qui puisse l’éliminer. Je commence donc le nouvel antibiotique, toujours en intraveineuse. On commence avec la fameuse dose de charge, en voie centrale, qui m’a donnée d’ailleurs des effets secondaires, mais ça s’est calmé. Quelques jours après, la pause d’un nouveau Midline, et retrait du cathéter central. Deux jours après environ, une grosse douleur survient à mon Midline, mais rien à faire, pas de rougeur, rien du tout, juste de la douleur. Le soir vers 23 h on prend ma température, 38°5. Et gonflement et rougeur à mon Midline, toujours avec une énorme douleur. L’infirmière décide de contacter le médecin de garde pour savoir quoi faire. Il décide de me poser une perfusion pour voir si ça vient de l’antibiotique, de prélever des hémocultures pour être sûr que ce n’est pas la bactérie qui me donne de la fièvre. Je garde malgré tout le Midline… Le lendemain ils m’enlèvent enfin le Midline, et je dis à l’infirmière que j’ai très mal à la main, là où on m’a posé la perfusion, mais il fallait que je la garde malgré tout… 10 minutes après, je vois une grosse réaction au niveau de mon poignet. Je la rappelle donc, et elle décide d’enlever la perfusion. Je passe donc la journée sans antibiotiques, et j’ai fait une échographie Doppler. En effet, l’antibiotique était trop irritant et mes voies veineuses trop fines. Cela a créé une thrombose, au bras et à la main, je vivais très mal d’avoir aussi mal.
Le lendemain, on me pose donc un Picc-Line, et la mauvaise nouvelle, c’est qu’on allait me remettre le même antibiotique qui m’avait fait du mal la veille. J’ai donc, beaucoup pleuré, encore, car je ne le voulais plus cet antibiotique, je le détestais et j’avais peur d’à nouveau souffrir, gros état d’anxiété pour le coup, mais je n’avais pas le choix, il fallait. Alors j’ai accepté.
J’apprends, 2 semaines et demie après mon opération, que j’allais être transférée au CHRU Bretonneau au service maladies infectieuses et tropicales, de façon assez inattendue, sans réelles explications. J’ai donc encore pleuré. Heureusement, il me restait encore quelques jours, puisqu’ils n’avaient pas de place, pour me faire à l’idée que je ne quitterais pas l’hôpital pour rentrer chez moi, mais bien pour aller dans un autre hôpital.
3ème semaine, je suis transférée dans ce nouveau service. J’ai très mal vécu le changement d’ambiance, de personnels, mais les infirmiers là-bas étaient au top et d’une gentillesse incroyable. Au cours de mon hospitalisation, ils ont décidé de me faire des tests allergiques à l’Amoxicilline. Et le verdict tombe, je ne suis plus allergique. Je commence donc un troisième antibiotique, 12 g d’Amoxicilline par jour, ce qui est énorme. Ce qui était bien, c’est que j’avais le droit d’aller dehors seule dans ce service, je me sentais donc plus libre !
Je finis par rentrer chez moi, le 1er octobre, toujours en antibiothérapie, avec une infirmière à domicile. J’ai demandé à avoir la même d’ailleurs, ça me réconfortait. Vers fin octobre, mon Picc-line s’est cassé, mon infirmière a dû me perfuser et les infectiologues, en regardant mes résultats sanguins, ont vu que j’étais sous-dosée. Ils ont décidé d’augmenter à 15g d’Amoxicilline par jour, j’ai fini avec une pompe qui vibrait toutes les 30 secondes, j’en pouvais plus de ce bruit, de ce poids, de tout ce parcours. 14 novembre, retrait de ma perfusion, fin de l’antibiothérapie.
Aujourd’hui, j’ai une nouvelle cicatrice, que je dois apprendre à aimer, et une bactérie qui ne fait plus partie de mon corps.
Des douleurs, de la peur, de la tristesse, j’en ai eu, intensément en peu de temps, bien que j’aie été entourée de mes amis, de ma compagne et des autres personnes proches de moi.
Mais aujourd’hui, j’essaie de me réparer, avec ce que j’ai. Je n’oublie pas que c’est ok de garder des souvenirs douloureux de ces périodes vécues, et qu’il faut parfois plus de temps pour remonter la pente.
« La grande désobéissance c’est de vivre sa vie »
Toujours s’écouter, s’entendre, faire ce qu’on veut, quand on peut, vivre intensément et prudemment, bien sûr sans se mettre en danger.